jeudi 10 avril 2008

De la transformation du principe de la démocratie

Dans la relecture de Platon, Montesquieu ou Alexis de Tocqueville, la pensée finit par relever les tentatives des populations à harmoniser des valeurs, parfois éloignées, au sein d’institutions et de philosophies de pouvoirs unifiées. La démocratie, notion universellement reconnue comme alternative à la réalité des peuples, était donc au centre de l’essai et continue de l’être en s’érigeant en expression moderne du contrat social. Son évolution, entre déclin et renouveau, permettra inévitablement de répondre aux interrogations du temps à savoir la nation et la citoyenneté. Les composantes de la démocratie connaissent une crise de valeurs et d’ajustement lorsqu’on observe l’affaiblissement du mécanisme de régulation qui équilibre entre liberté et égalité. L’abus de liberté et la perte d’égalité permettent aux élites d’occulter leurs vices en propageant l’anomie au sein de la cité. La corruption allant jusqu’à ce que les suffrages se donnent pour de l’argent devient la dynamique destructrice du fondement même de la démocratie. Montesquieu avait confirmé que l’inégalité qui mène à la fatalité de la juxtaposition de classe voire au despotisme, et l’esprit d’égalité extrême qui conduit à la dictature, sont les vecteurs de la corruption du principe de la démocratie. Cette dérive amènera t elle la philosophie politique à banaliser l’extermination d’une moitié du genre humain et la rééducation de l’autre ? Tocqueville décrit ce stade suprême comme une dictature douce de l’opinion publique qui représente l’age de l’homogénéité des sentiments, des idées et des valeurs, qui soumet les citoyens à la fatalité de la puissance issue de leur propre consentement mutuel. Ce constat place l’opinion publique et l’Etat en contradiction équilibrée permettant la continuité de la domination mais en revanche propulse l’individualisme parmi les peuples et une notion de l’autorité qui se gorge de responsabilités plus que de pouvoirs. Ainsi l’effritement des sociétés déclenche une lutte pour les privilèges et une concurrence qui se préoccupe de moins en moins de l’équilibre général au sein du modèle démocratique. Dans l’alchimie entre égalité et liberté, l’affirmation individuelle prend le pas sur l’appartenance national. C’est au sein de ces contradictions que se pose la problématique du devenir de la démocratie. La corruption de la démocratie et l’émiettement de la société provoquent des dérives sociologiques liées à l’identité et à la morale, qui sont une exigence légitime qui cesse de l’être quand la fidélité à l’identité collective l’emporte sur les valeurs démocratiques en confirmant les inégalités et l’intolérance. Cette appartenance extra nationale s’inscrit dans « le moralement correct » par rapport à la confirmation identitaire et veut réunir morale et politique au sein de l’Etat et de la société. En amont de ce qui se produit dans le totalitarisme, la réunion s’organise sous l’égide de la bonne conscience : A la reconnaissance de la pluralité se substitue une tentation de faire régner le « bien » en faisant la négation de l’autonomie du sujet. L’individu n’a plus le droit social d’exercer son jugement puisque les transgressions du « moralement correct » seront stigmatisées et les peuples se voient privés de leur souveraineté par le fait que le droit d’ingérence d’une certaine conception de l’ordre moral se présente comme l’incarnation du « bien » à imposer aux autres par la force. Les dérives identitaires et moralisatrices ont pour particularité commune de procéder de la nostalgie d’un état antérieur, possédant une morale publique, dans lequel les liens de communauté étaient plus forts. Ces déviances endogènes débouchent sur une autre dérive qui est à caractère instrumental, spécifique aux sociétés démocratiques ou en voie de démocratisation. Cela concerne les moyens devant conduire à un objectif sans jamais s’interroger sur sa légitimité. Ce serait le fondement d’une réflexion nouvelle sur le rôle du processus de démocratisation dans la résolution des interrogations qui animent l’action politique au XXIième siècle, notamment dans l’élaboration d’une citoyenneté qui impliquerait la construction d’un espace public dans lequel les sociétés organiseraient des institutions et un domaine politique commun. Il est donc opportun de raisonner en dehors du cadre de la citoyenneté « classique » qui s’est élaboré au sein des nations pour reconsidérer les moyens qui nous permettront d’échapper à l’aliénation existentielle qui permet à l’idéologie fondamentaliste de prendre en otage les valeurs qui composent la nation et son organisation démocratique.

1 commentaire:

Jihane a dit…

Un très bel article & un très beau blog , je vous en félicite , je viens de vous ajouter sur Facebook , et même si votre dernière mise à jour date de 2009 peut-être , les billets postés sont au creux de l'actualité , merci d'avoir partager tout ce savoir avec les internautes

Cordialement vôtre
Hannane Jihane

Au grand plaisir de vous lire ^^

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