vendredi 31 octobre 2008

La refondation de la mondialisation nécessite un retour de l’histoire

Dans la crise que traverse la mondialisation, les analystes néolibéraux ont troqué la rigueur scientifique par l’argumentaire militant et confirment que l’intervention de l’Etat est responsable de la situation économique mondiale. Une chose est sûre, c’est que l’objectivité est confrontée à une réflexion déterministe qui confirme que l’interventionnisme s’inscrit dans une logique non-économique. Ce faux postulat est une conséquence de la période post-bipolaire qui a décrété l’organisation capitaliste des sociétés. Les abus qui ont accompagné « cette vérité », tant aux niveaux géopolitique qu’économique, ont véhiculé certains biais qui ont construit l’illusion de la nocivité de l’Etat jusqu’à l’appel à son démantèlement. Le fond du clivage, lié à la problématique de la concentration de la richesse, à savoir la traduction du monopole par la collectivisation ou l’individualisation du capital, a évolué vers le débat du plus ou moins d’Etat ou de marché, laissant aux deux institutions le soin de répondre aux lectures déterministes de l’histoire. Toutefois, le libéralisme comme le nationalisme ont un rapport critique envers l’Etat et le marché et débattent sur les clauses de convergence de ces deux domaines de régulation. Le recul de l’Etat a permit la financiarisation du capitalisme qui déplace le capital d’une économie réelle vers une économie virtuelle. Partant des mécanismes productivistes à la spéculation sur les valeurs mobilières, l’économie a généré des codes de fonctionnements qui évoluent au sein d’une bulle financière, dans laquelle la juste valeur du produit occupe une position marginale dans l’évaluation du prix et corrompt l’équilibre naturel entre l’offre et la demande, au-delà des interférences que peut générer la fluctuation naturelle du coût de production. Dans ce que vit l’économie mondiale, les USA ont une responsabilité qui dépasse les considérations militaires qui orientent les liquidités vers des gouffres budgétaires et renforcent la zone euro par l’adhésion des pays émergents. La déstabilisation du système économique, qui a commencé par la première crise boursière survenue après la chute du mur en 1997 (Faillite de la Russie et dépression du Sud Est asiatique), est le fait d’une politique américaine mêlant finance et géopolitique. Dans la crise actuelle, la variabilité des taux directeurs établis par la Fédéral Reserve, pendant le mandat d’Alan Greenspan, notamment en réponse aux crises du logement, a démontré les conséquences négatives du désengagement de l’Etat : les garanties publiques tacites couvrant les prêts immobiliers ont instauré la marginalisation du « risc managing » au sein des banques et mis en place la titrisation qui transfert le risque réel aux banques étrangères et l’inscrivent dans la virtualité économique. Ces cheminements ont sur-estimés la capacité de remboursement des crédits et extrait l’hypothèque de sa réactivité au marché de l’immobilier, causant par conséquent la crise des « subprimes », la faillite des ménages et par ricochet celle des banques (le cas de la Lehman Brothers). Ajoutant à cela le processus de dépénalisation de la vie économique qui influence le ratio-légis de l’ordonnancement libéral, le moins-d’Etat est donc clairement responsable du déclenchement de la crise financière. Toutefois, provoquant un « effet domino » allant de l’économie réelle aux enjeux politiques en passant par la question sociale, cette crise ramène l’Etat au centre de la régulation financière, place le politique en priorité par rapport au marché et œuvre pour le « retour de l’économie ». Ainsi la responsabilité de l’Etat est liée à son recul et non à son omniprésence dans les marchés, considérant la marge spéculative qui a remplacé l’absence de l’institution dans la régulation des intérêts collectifs, notamment illustrée dans le doublement du prix des matières premières causé par la bourse de Chicago et le « free ride » énergétique qui déclenche une insatisfaction alimentaire mondiale (25% de la production mondiale du maïs est dirigée vers l’industrie du biocarburant). La « banqueroute » des institutions financières est donc venue dénoncer les contradictions de la dérégulation et lever les soupçons d’irrationalité jetés par le marché sur l’Etat et même confirmer sa logique strictement économique : dans cette crise du capitalisme, qui n’apprend pas de ses difficultés cycliques depuis 1929 (le plan de sauvegarde du système financier de 1933, la gouvernance financière mondiale à l’issue des accords de Bretton Woods), les nationalisations forment une opération financière qui bénéficiera aux Etats dans le rachat de banques et d’assurances en difficulté, au-delà du rôle de sauvegarde du système financier (le Plan Polson) et de contre pouvoir à la concentration individualiste du capital. Le retour de l’Etat en économie confirme qu’entre le néolibéralisme, imposé par le discrédit du communisme, et le schéma soviétique, d’autres modèles sont possibles pour la déconcentration des richesses. D’une part la crise financière a confirmé le rôle de l’Etat dans la régénérescence même du capitalisme et le rétablissement d’une approche réelle et institutionnaliste de l’économie. Une gouvernance mondiale au niveau des politiques de concurrence, qui harmonise les législations étatiques et régionales (Clayton et Sherman Acts aux USA, la loi NRE en France et le dispositif européen), et de redistribution, est nécessaire à la résorption des crises et à la refondation de la mondialisation sur la base de mécanismes de décentralisation économique. L’encouragement public du tissu industriel de moyenne dimension, seul bassin durable de l’emploi, par rapport aux multinationales qui ne peuvent se maintenir dans la concurrence spéculative que par des politiques sociales restrictives, rétablit les équilibres financiers et les solidarités territoriales. D’autre part le besoin de déconcentration du capital et du travail est confirmé par l’évolution des espaces d’influence qui caractérisent l’architecture multipolaire de la nouvelle géopolitique mondiale. Le retour de la Russie, l’éveil de la Chine, la présence économique indienne, le nationalisme latino-américain, l’esquisse d’une politique étrangère européenne, la conscience méditerranéenne, la réorganisation rationnelle du sous-sol africain, la révision des enjeux militaires américains, instaurent un nouvel ordre mondial qui rétablit le clivage entre nationalisme et libéralisme et confirme un certain retour de l’histoire.

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