Depuis l’avènement du Roi Mohamed VI au pouvoir, le débat unitaire muri au sein de la gauche, notamment à l’USFP qui avait sacrifié ses positions, ses militants voire certains de ses fondateurs, pour être aux normes d’une participation parlementaire et gouvernementale de façade qui remonte aux lendemains de la grève générale de 1981. Cette participation, à défaut de pouvoir concrétiser les attentes populaires, lui a coûté plusieurs divisions qui l’ont transformé en un parti quasi-administratif voire féodal, prêt à des alliances contre nature. Cette mutation a amené à l’émergence de l’Alliance de la Gauche Démocratique (PADS-CNI-PSU) en tant que démarche de rassemblement qui revendique le combat authentique de l’Ittihad. L’absorption du PSD par l’USFP a aussi renforcé l’approche unitaire par l’élaboration d’un dialogue entre les composantes du progressisme. Plusieurs intellectuels des différentes formations et des courants à l’interieur même de l’USFP, tels les «nouveaux socialistes» et «l’eveil du peuple de gauche», appelent à la réunification sur des bases politiques et militantes. La conscience de l’unité ressemble de plus en plus à un acquis grâce aux luttes syndicales et revendicatives, au mouvement des droits de l’homme, aux actions symbôliques et à la convergence idéologique. Il serait donc opportun de participer à la lecture du fond mobilisateur de la dynamique unitaire en ce début de siècle, en ce changement de règne, au-delà des différentes hésitations, déceptions, compromissions ou fondamentalismes divers. Ainsi la gauche marocaine continuera-t-elle de revendiquer le socialisme? Va-t-elle prétendre à une forme de nationalisme par opposition au conservatisme et au néolibéralisme? Est-elle en mesure, à l’instar des lumières face à l’obscurantisme du clergé, de représenter l’alternative au delà des pesanteurs qui aliènent sa renaissance? Le socialisme veut l’exercice des libertés par une articulation entre l’individu et «une société où le développement de chacun sera la condition du plein épanouissement de tous» (Karl Marx). Les socialistes luttent pour ces libertés et savent que cela ne peut se faire que par l’action collective et un ensemble d’institutions politiques. Mais qu’est-ce qu’être socialiste aujourd’hui? Avons-nous un rapport critique envers le capitalisme? Quelle est la place de la nation dans la mondialisation? Que faire par rapport à l’individualisation de la société? Ces questions participent à la mise à jour du socialisme qui se fera en référence aux valeurs de liberté et de justice, en protégeant la majorité contre la pauvreté. Face à ce défi, les partis de gouvernement sont à la marge de l’histoire, considérant qu’ils luttent dans des conditions nouvelles et réduisent le combat à l’existence au sein d’une marge électorale qui confirme la domination du marché sur le politique. Aussi, dans l’objectif d’améliorer la condition humaine et de protéger le travail du capital, les socialistes ne sont plus confrontés à un capitalisme industriel dans lequel «on prend l’usine et on discute à posteriori», mais à un capitalisme dominé par l’économie virtuelle. La révolution technologique a bouleversé la production, la consommation et la communication et amène à des redéploiements socio économiques et politiques ; la montée des continents économiques ouvre des marchés aux pays développés et maintient une faiblesse salariale dans les pays en voie de développement qui est la seule attraction de la délocalisation. Les socialistes, qui ont présenté des stratégies de rupture et de réforme pour la transformation des sociétés, devront reconsidérer les compromis du lendemain de la chute du bloc de l’est. L’idée que le socialisme négociait «la menace rouge» avec le capitalisme pour imposer sa réforme est défnitivement obsolète. Nous devons alors définir une nouvelle vision du Maroc dans le monde au delà de notre opposition au conservatisme et au néolibéralisme etdans une réalité qui demeure foncièrement féodale dans notre pays. En rappelant qu’une doctrine socialiste a marqué le Maroc par les documents «option révolutionnaire» et «rapport idéologique», le débat unitaire devra, dans la continuité de cette littérature, être en phase avec son temps. Le socialisme gagnerai donc à être pensé, outre la question environnementale, à travers le triptyque « Individu/Marché/Nation ». Quel est donc la place de l’Individu dans la pensée socialiste? quel est notre rapport actuel au Marché? l’Etat nation est-il un outil de libération politique?
L’Individu comme objectif ultime du socialisme : Nous ne partageons pas la conception libérale qui ne voit dans la société qu’une somme d’individus en concurrence qui traitent le socialisme de «maladie du siècle» (Freidrich Nietzche), mais une société dans laquelle la modernité doit être assumée par la collectivité. Le socialisme est l’héritier sinon le dépassement du libéralisme dans les domaines socio-économiques et démocratiques, malgré qu’un individualisme égoïste s’est répandu avec la «contre-révolution» des années 80 (plusieurs Prix Nobel ont été décernés à des économistes néolibéraux). La matérialisation de l’individu a produit la démobilisation et les inégalités auxquelles s’oppose une résignation collective qui réduit la lutte sociale à une simple revendication moralisatrice. Cette demande témoigne d’une désagrégation nationale en faveur d’un glissement conservateur de notre société. Les socialistes devront alors préciser la relation entre l’émancipation individuelle et les déterminismes sociaux et approfondir la réflexion sur l’état de l’individu par rapport à la marchandisation de la société et au besoin de sens.
Le rapport critique au Marché : Ayant tiré les conséquences des économies administrées, la question du marché renvoie aux choix des socialistes qui ont accepté les libertés économiques. Ils ont toutefois conscience que le Marché doit être organisé et basculer au profit de la majorité afin de privilégier le travail sur le capital par la protection des espaces de cohésion, à savoir l’éducation, la santé, la culture, l’information et l’attachement à la gratuité et à la qualité des services et des équipements publics. Les socialistes sont conscients que le marché conduit à des dysfonctionnements qui débouchent sur des crises ravageuses. C’est pourquoi la maîtrise de l’économie devra aller dans le sens de la primauté des droits humains sur les valeurs du marché qui tend vers le monopole et la domination de l’économie virtuelle. Le retour de la nation, en tant que facteur de stabilité, pourrait ainsi apporter une réponse à la mondialisation, dont celle du système financier, et mobiliser l’action de la gauche.
L’Etat nation socle du socialisme démocratique : Les socialistes se distinguent par leur attachement à la Nation qui rassemble et construit l’avenir relativement aux perversions communautaristes. C’est la référence pour la plupart des peuples en tant qu’environnement d’appartenance, d’identité, de développement et de protection sociale. Prévoir le déclin de l’Etat-nation était occulter sa capacité de transformation par les biais de l’élargissement et du réamenagement territorial qui endiguent les différentes fractures. C’est l’expression d’une citoyenneté diversifiée par l’exercice des libertés et de la solidarité, l’espace d’enracinement de la démocratie, l’environnement dans lequel s’exprime «l’Etat de droit et du développement» qui cristallise les interactions entre le local, le national et le global.
Les socialistes devront répondre aux questions politiques, socioéconomiques et environnementales d’aujourd’hui. La perspective d’un horizon nouveau pour la gauche démocratique doit dépasser cette fin de cycle marquée par l’échec de l’idée de «transformer de l’intérieur» imposée par la gauche gouvernementale depuis un quart de siècle. Le passage d’une gauche plurielle à une gauche unitaire est donc impératif pour réussir le renouvellement de la gauche en tant que troisième voie dépassant le clivage néolibéral/conservateur.
dimanche 13 septembre 2009
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